Particulièrement sensibles aux modifications chimiques, les ARN messagers (ARNm) sont des molécules chargées de transmettre linformation codée de notre génome, permettant la synthèse des protéines nécessaires au fonctionnement de nos cellules. Deux équipes de lUniversité de Genève (UNIGE), en collaboration avec la Norwegian University of Science and Technology (NTNU), se sont intéressées plus particulièrement à un type de modification chimique spécifique nommée méthylation des molécules dARNm chez le petit ver Caenorhabditis elegans. Elles ont découvert que la méthylation sur une séquence particulière dun ARNm entrainait sa dégradation et que ce mécanisme de contrôle était dépendant de lalimentation du ver. Ces travaux sont à lire dans la revue Cell.
Avant quun gène codé par lADN ne produise la protéine correspondante, il se passe plusieurs étapes. Un des deux brins de lADN est dabord transcrit en ARN qui va ensuite subir plusieurs traitements, dont lépissage, avant dêtre traduit en protéine. Ce mécanisme permet de débarrasser le gène de séquences non-codantes inutiles (les introns), pour ne garder que les séquences codant pour les protéines (les exons). Cette forme mature de lARN est lARN messager (ARNm).
Un «post-it» pour bloquer la synthèse dune protéine
En plus de ces traitements, les ARN mais aussi les molécules dADN peuvent subir une modification chimique: la méthylation. Celle-ci consiste à ajouter un groupe méthyle (CH3) qui permet de modifier le sort de ces molécules sans en altérer la séquence. Déposés sur lARN ou lADN comme des «post-its» à des endroits bien spécifiques, les groupes méthyles indiquent à la cellule quun sort particulier doit être donné à ces molécules. Ces réactions de méthylation sur lARN sont essentielles: des souris qui ne peuvent pas faire de méthylation meurent à un stade embryonnaire précoce.
Deux équipes voisines de lUNIGE, lune travaillant sur la régulation des ARN et lautre spécialisée dans lorganisation de lADN chez le ver C. elegans, ont étudié le rôle de la méthylation dans le contrôle de lexpression des gènes. Les laboratoires de Ramesh Pillai et Florian Steiner, professeurs au Département de biologie moléculaire de la Faculté des sciences de lUNIGE, ont montré pour la première fois que la méthylation à lextrémité de lintron dun gène spécifique bloque la machinerie de lépissage. Lintron ne peut pas être éliminé et la protéine nest alors pas produite.
Une régulation fine pour assurer un juste équilibre
Ce gène, dont lARNm se retrouve ici modifié par méthylation, code pour lenzyme qui fabrique le donneur de méthyle. «Il sagit donc dun mécanisme dauto-régulation puisque le gène impliqué dans la méthylation est lui-même régulé par méthylation!», précise Mateusz Mendel, chercheur au Département de biologie moléculaire de la Faculté des sciences de lUNIGE et premier auteur de cette étude.
Par ailleurs, cette modification est dépendante de la quantité de nutriments reçus par les vers. «Lorsque les nutriments sont abondants, lARNm est méthylé, lépissage du gène est bloqué et le niveau de donneurs de méthyle diminue, ce qui limite le nombre de réactions de méthylation possibles. En revanche, lorsquil y a peu de nutriments, il ne peut pas y avoir de réactions de méthylation sur lARN de ce gène, lépissage nest donc pas bloqué et la synthèse des donneurs de méthyle augmente», rapporte Kamila Delaney, chercheuse au Département de biologie moléculaire de la Faculté des sciences de lUNIGE. Les nutriments fournissent les matières premières nécessaires à la production des donneurs de méthyle. Le blocage de lépissage par la méthylation permet donc den freiner la production lorsque la nourriture est disponible en grande quantité. «Des réactions de méthylation aberrantes trop ou pas assez sont à lorigine de très nombreuses pathologies. La cellule a mis en place ce système de régulation très sophistiqué pour garantir un juste équilibre des méthylations dans la cellule», résume Mateusz Mendel.
La méthylation des ARNm au niveau de ces séquences spécifiques avait été découverte dans les années 1970 notamment par Ueli Schibler, ancien Professeur de lUNIGE, avant de tomber aux oubliettes. Il aura fallu attendre 40 ans pour quen 2012, des chercheurs/euses redécouvrent son importance dans la régulation des gènes. Avec cette étude, les scientifiques du Département de biologie moléculaire mettent en lumière limportance cruciale du rôle de la méthylation dans le contrôle de lépissage et dans la réponse aux changements de lenvironnement.
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