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Le fond ou la forme? Les deux chemins possibles de nos souvenirs

Une équipe de l’UNIGE montre que les souvenirs sont déclenchés davantage par le sens profond d’une situation vécue que par sa forme.

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

Si les souvenirs sont la boîte noire de notre passé, ils peuvent éclairer notre présent, en donnant du sens à une nouvelle situation vécue. Mais comment notre mémoire convoque-t-elle, selon les cas, des ressemblances de surface (mêmes lieux, mêmes personnes) ou plus conceptuelles (mêmes intentions ou actions)? Une équipe de l’Université de Genève (UNIGE) a élucidé ce mystère en montrant qu’elle tend à privilégier le fond d’une situation – son «concept», sa problématique – à condition qu’elle soit associée à des catégories mentales familières. Dans le cas contraire, elle se tourne vers des similitudes de surface. Ces résultats ouvrent des perspectives pour l’optimisation de l’apprentissage par analogie, notamment dans le cadre scolaire. Ils sont à découvrir dans le journal Wiley Interdisciplinary Reviews: Cognitive Science


La fameuse «madeleine de Proust» témoigne de la tendance de notre cerveau à rapprocher les situations vécues d’expériences passées pour leur donner du sens. Elle illustre un phénomène bien connu en psychologie par lequel les sensations, aussi appelées similitudes de surface, peuvent raviver un souvenir. C’est beaucoup plus récemment, en 2020, que l’équipe IDEA (instruction, développement, éducation et apprentissage) de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UNIGE a montré que des similitudes plus abstraites, les similitudes de structure (même type d’actions, de problématiques ou d’intentions), peuvent parfois prendre le dessus et guider l’évocation.


Lorsque nous invitons quelqu’un à dîner au restaurant, par exemple, et que cette personne décline en prétextant un autre rendez-vous. Notre mémoire peut faire remonter un souvenir de surface: le souvenir d’un dîner avec cet ami quelques semaines auparavant, dans ce même restaurant. Ou un souvenir de structure: cette fois où nous avions nous-même prétexté une douleur au genou pour éviter un entraînement sportif. Dans ce dernier cas, le contexte diffère mais le concept est similaire: il s’agit de trouver une excuse pour décliner l’invitation.


La fin d’un débat

Dans quels cas la mémoire sélectionne-t-elle l’un ou l’autre type de souvenir ? Cette question fait débat dans la communauté scientifique. Aujourd’hui, l’équipe IDEA apporte un éclairage décisif: «Nous avons découvert que la mémoire privilégie les liens de structure lorsqu’elle peut s’appuyer sur une catégorie mentale familière — comme les excuses, les superstitions ou les conflits — et les liens de surface lorsque de telles catégories sont absentes. Les souvenirs de structure témoignent d’un niveau plus important d’abstraction, et donc de compréhension», révèle Lucas Raynal, chercheur postdoctoral au sein de l’équipe IDEA et premier auteur de l’étude.


Ces résultats ont été obtenus grâce à l’analyse d’une centaine d’études publiées ces cinquante dernières années sur les mécanismes de la mémoire. «Cette revue de la littérature nous a permis d’identifier des régularités et de construire un modèle psychologique, qui permet d’expliquer dans quels contextes la mémoire privilégie l’un ou l’autre type de souvenirs», détaille Emmanuel Sander, professeur ordinaire rattaché à l’équipe IDEA, qui a dirigé ces travaux.


Ces conclusions ont des implications concrètes pour favoriser le transfert de connaissances dans le cadre scolaire. Des recherches antérieures ont en effet montré que l’échec à transposer une notion apprise dans le cadre d’un exemple initial, vers un exemple superficiellement différent, peut souvent s’expliquer par la difficulté à rappeler des cas stockés en mémoire sur la base de similitudes de structure. Ainsi, face à un problème de maths racontant l’histoire d’un client chez le boulanger, un élève peut ne pas reconnaître qu’il s’agit du même type de calcul qu’un autre exercice vu en classe, avec pour thème un évènement sportif, simplement parce que le contexte de l’histoire a changé.


Ces résultats soulignent l’importance d’anticiper les difficultés des élèves lorsqu’ils et elles ne possèdent pas encore les connaissances nécessaires pour relier différents exemples d’une notion peu familière. Ils plaident ainsi pour le développement d’outils pédagogiques capables de faire émerger de nouvelles catégories mentales, afin de favoriser l’établissement de liens conceptuels profonds.


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