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Au Néolithique, l’agriculture s’est imposée en douceur

Une étude de l’UNIGE montre que les chasseurs-cueilleurs d’Europe et les agriculteurs venus d’Anatolie ont cohabité et se sont progressivement mélangés.

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

La transition vers l’agriculture en Europe s’est accompagnée d’une coexistence entre les chasseurs-cueilleurs et les premiers agriculteurs venus d’Anatolie. Pour mieux comprendre leurs dynamiques d’interactions, une équipe de l’Université de Genève (UNIGE), en collaboration avec l’Université de Fribourg et l’Université Johannes Gutenberg de Mayence, a croisé simulations informatiques et données génétiques anciennes. Les résultats révèlent un mélange de populations augmentant localement au cours du temps, au fil de l’avancée des premiers agriculteurs vers l’Europe centrale, le long de la «route du Danube». Ces travaux, publiés dans Science Advances, offrent une meilleure compréhension de ce tournant capital dans l’histoire humaine. 


Le passage d’un mode de vie basé sur la chasse et la cueillette à l’agriculture marque un tournant majeur dans l’histoire de l’humanité. En Europe, cette transition a débuté il y a presque 9 000 ans avec la migration d’agriculteurs  originaires des régions bordant la mer Égée et l’ouest de l’Anatolie (actuelle Turquie asiatique). Ces populations ont suivi la «route du Danube» jusqu’en Europe centrale (nord de l’Allemagne). Avant que le remplacement du mode de vie des chasseurs-cueilleurs par celui des agriculteurs ne soit complet, les deux cultures ont coexisté pendant plusieurs générations.


Les scientifiques se sont longtemps demandé si cette transition s’était faite par transmission des connaissances avec des populations d’agriculteurs installées à proximité, ou si les deux populations s'étaient mélangées au fur et à mesure de la migration des agriculteurs. Des indices archéologiques – tels que la coexistence d’objets typiques des deux cultures – combinés à l’étude des données paléogénomiques, issues de l’analyse de restes humains bien conservés, ont confirmé l’hypothèse d’une migration et d’un mélange de populations.


Modéliser la rencontre entre deux mondes

Dans cette étude, le groupe de Mathias Currat, maître d’enseignement et de recherche au Département de génétique et évolution de la Section de biologie de la Faculté des sciences de l’UNIGE, a cherché à mieux comprendre comment ces deux populations ont interagi au fil du temps. Son équipe s’est penchée sur les dynamiques démographiques le long de la «route du Danube»: les populations se sont-elles mêlées régulièrement depuis leurs premières rencontres ou ces mélanges se sont-ils intensifiés au cours du temps? Grâce à des programmes informatiques, les scientifiques ont modélisé l’expansion néolithique en simulant les positions géographiques, les paramètres biologiques (taille des populations, taux de reproduction, migrations) et les interactions (taux de mélange génétique entre groupes, compétition potentielle).


«Ces simulations ont permis de générer des milliers de scénarios génétiques, ensuite comparés aux données issues de 67 individus préhistoriques provenant de régions où les deux groupes ont cohabité. En utilisant des méthodes statistiques, nous avons pu estimer les paramètres démographiques les plus probables», explique Mathias Currat.


Les résultats révèlent qu’à chaque étape de l’expansion des premiers agriculteurs vers le nord-ouest de l’Europe, les mélanges génétiques avec les chasseurs-cueilleurs étaient rares au début, puis augmentaient localement avec le temps. «Nous montrons que la transition néolithique ne s’est pas faite par confrontation violente ou remplacement total, mais plutôt par une cohabitation prolongée avec des mélanges croissants», poursuit Alexandros Tsoupas, chercheur dans le groupe de Mathias Currat et premier auteur de l’étude.


Des agriculteurs plus nombreux et plus mobiles

Par ailleurs, l’étude met en lumière l’avantage démographique dont disposaient les premiers agriculteurs: leur population effective était environ cinq fois plus importante que celle des chasseurs-cueilleurs. Bien que rares, certains agriculteurs ont fait des «sauts migratoires» sur de longues distances favorisant ainsi leur rapide progression vers le centre de l’Europe.


Ces conclusions apportent une réponse nuancée à un débat de longue date: la néolithisation de l’Europe n’a pas été une simple colonisation, mais un processus complexe fait de contacts, de cohabitations et de mélanges augmentant progressivement dans le temps. L’étude illustre aussi la puissance des approches combinant génétique ancienne et modélisation pour retracer les grandes étapes de l’histoire humaine.


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