image: Illustration of the molecular handshake driving Staphylococcus aureus adhesion to human skin. The bacterial adhesin SdrD (purple) binds tightly to the host receptor desmoglein-1 (DSG-1, orange) on keratinocytes, with calcium ions (Ca²⁺) stabilizing the interaction. This calcium-dependent bond enables S. aureus to attach strongly to the skin surface, providing a molecular explanation for the bacterium’s ability to resist mechanical forces and establish infection.
Credit: Department of Physics - Auburn University
(Auburn, États-Unis) Imaginez votre enfant, ou même vous-même, avec une petite démangeaison causée par une dermatite. Un geste banal. L’ongle gratte la peau et provoque une fissure si minuscule qu’elle échappe à l’œil nu. C’est pourtant suffisant pour qu’une bactérie très commune, présente sur la peau de millions de personnes en bonne santé, trouve une ouverture. Cette bactérie s’appelle Staphylococcus aureus. Le plus souvent, elle vit en paix avec nous. Mais lorsque la barrière cutanée est affaiblie, le scénario change : le microbe s’accroche avec une force incroyable, se multiplie et peut transformer une simple irritation en infection grave. Dans les cas les plus sévères, il se propage dans l’organisme et peut être mortel. Certaines souches ne répondent plus aux antibiotiques, devenant de véritables cauchemars pour la médecine moderne.
La question qui intriguait les scientifiques était à la fois simple et effrayante : comment cette bactérie réussit-elle à s’accrocher de manière aussi persistante à la peau humaine ? L’étude publiée dans la revue Science Advances apporte la réponse. Elle démontre que Staphylococcus aureus utilise une liaison biologique plus forte que toutes celles jamais enregistrées dans la nature — une adhésion qui éclaire la puissance mortelle de ces infections.
Le secret réside dans une protéine bactérienne appelée SdrD, qui agit comme un minuscule crochet pour se connecter à une protéine humaine de la peau, la desmogléine-1. Le résultat est une liaison si solide qu’elle rivalise avec certaines liaisons chimiques covalentes. « C’est la liaison protéine-protéine non covalente la plus forte jamais mesurée », explique le professeur Rafael Bernardi, de l’Université d’Auburn. « Cela nous aide à comprendre pourquoi ces infections sont si persistantes et si difficiles à éliminer. »
Le rôle du calcium s’est révélé être un autre élément clé. Sans calcium, la liaison entre les protéines s’affaiblit. Lorsqu’il est réintroduit, le lien ne se contente pas de revenir, il devient encore plus résistant. Cette découverte est particulièrement pertinente dans les cas de dermatite atopique, où l’équilibre calcique de la peau est perturbé. Au lieu de protéger, cette altération favorise une adhérence bactérienne encore plus forte. « Nous avons été surpris de constater à quel point le calcium renforce cette interaction », souligne Priscila Gomes, co-autrice de l’étude et actuellement chercheuse à Auburn, qui rejoindra bientôt l’Université Marie et Louis Pasteur, à Besançon en tant qu’enseignante-chercheuse.
Pour parvenir à ces conclusions, les chercheurs ont combiné des expériences de molécule unique avec des simulations sur supercalculateurs. En Europe, la microscopie de force atomique a permis de mesurer l’intensité avec laquelle une seule bactérie se fixe aux protéines de la peau. Aux États-Unis, l’équipe d’Auburn a reproduit le processus atome par atome grâce à des modèles computationnels avancés. Les deux approches ont mené à la même conclusion : la liaison formée par Staphylococcus aureus est la plus forte jamais mesurée entre protéines.
Cette découverte ouvre la voie à de nouvelles approches thérapeutiques. Plutôt que de chercher à tuer la bactérie avec des antibiotiques — une stratégie qui favorise souvent l’émergence de résistances —, l’idée est d’empêcher son adhésion. Incapable de s’accrocher, Staphylococcus aureus deviendrait alors bien plus vulnérable à notre système immunitaire. « L’objectif n’est pas de détruire la bactérie, mais d’éviter qu’elle ne s’accroche dès le départ », conclut Bernardi.
À propos de l’Université d’Auburn et du groupe de biophysique computationnelle
L’Université d’Auburn, située en Alabama (États-Unis), est classée R1 parmi les universités de recherche américaines, un statut qui reconnaît l’excellence et l’intensité de sa recherche scientifique.
Au sein de son Département de Physique, le Groupe de Biophysique Computationnelle, dirigé par le professeur Rafael Bernardi, se consacre à l’étude des protéines méchano-actives, essentielles pour comprendre des processus biologiques tels que les infections bactériennes, les interactions cellulaires et la régulation de la santé humaine. Le groupe développe également des logiciels de pointe pour la dynamique moléculaire et la visualisation biomoléculaire, outils utilisés par des chercheurs du monde entier pour explorer les mécanismes fondamentaux de la vie à l’échelle atomique.
Journal
Science Advances
Method of Research
Experimental study
Subject of Research
Lab-produced tissue samples
Article Title
Ultrastrong Staphylococcus aureus adhesion to human skin: Calcium as a key regulator of noncovalent interactions