Le dérèglement de nos horloges internes semble jouer un rôle non négligeable dans lexplosion des maladies métaboliques observée depuis quelques dizaines dannées, et notamment du diabète. En effet, si limportance de lalternance jour-nuit sur leffet de linsuline et sur la gestion de la glycémie par le corps commence à être connue, quen est-il des mécanismes impliqués? Concrètement, comment lorganisme fait-il pour synchroniser ses horloges? En comprenant comment le cerveau relie les effets de linsuline à la luminosité, des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) décryptent comment la sensibilité à linsuline fluctue en fonction des cycles circadiens, mais aussi des organes concernés. Au centre de leur découverte se trouve les neurones du noyau hypothalamique ventromédial, une partie du cerveau qui est le maître dorchestre de ce délicat équilibre. Ces résultats, à découvrir dans la revue Cell Reports, devraient aussi inciter les patients diabétiques et leurs médecins à prendre en compte le moment idéal dun prise dinsuline pour bien mesurer son effet et limiter les risques dhypoglycémie.
Léquilibre entre la sécrétion et laction des hormones est essentiel au bon fonctionnement de lorganisme. Ainsi, la sécrétion de plusieurs hormones, et notamment de linsuline, varie sur une période de 24 heures et toute modification de ces rythmes semble prédisposer aux maladies métaboliques. Pour se synchroniser, le corps prend en compte deux éléments essentiels: lalternance de la lumière et de lobscurité, ainsi que celle de la prise alimentaire et du jeûne. La lumière perçue par les neurones rétiniens est ainsi transmise au cerveau, qui à son tour règle les horloges périphériques situées dans les différentes parties du corps.
«Notre hypothèse était que la sensibilité à linsuline variait selon le cycle quotidien de 24 heures, mais aussi selon les tissus. Comme nous savions déjà que certains neurones du noyau hypothalamique ventromédial (VMH) une région de lhypothalamus contrôlaient le système nerveux sympathique des muscles squelettiques des souris, nous nous sommes penchés sur ces neurones nommés VMH SF1 dans la régulation de laction de linsuline,» explique Roberto Coppari, professeur an Centre du diabète de la Faculté de médecine de lUNIGE, qui a dirigé ces travaux.
Du cerveau aux organes: des mécanismes différents selon les tissus
Les scientifiques ont tout dabord effectué une évaluation complète de laction de linsuline dans différents tissus chez des souris (le muscle gastrocnémien et le muscle soléaire, tous deux situés dans la patte, les tissus adipeux et le foie) et ont observé dimportantes variation dans tous les tissus concernés. En maintenant des souris dans un cycle de 12 heures de lumière et de 12 heures dobscurité, la sensibilité à linsuline était logiquement la plus faible pendant la période de repos. Ils ont ensuite reconduit les mêmes mesures sur des animaux chez qui le gène SIRT1 un gène lié à la régulation de composants moléculaires de lhorloge centrale était supprimé uniquement dans les quelques milliers de neurones VMH SF1. «En effet, nous savions déjà que les souris avec une altération de ce gène dans les neurones VMH SF1 présentaient une propension à la résistance à linsuline. Mais selon quel mécanisme ?» explique Giorgio Ramadori, chercheur au Centre du diabète et premier auteur de cette étude. En modulant le temps dexposition à la lumière, les chercheurs ont démonté que le gène SIRT1 des neurones VMH SF1 jouait un rôle clé dans laction de linsuline dans le muscle gastrocnémien, «mais pas dans les autres tissus», analyse Roberto Coppari. «Cela nous apprend deux choses: dune part que le même mécanisme de gestion du temps est régulé différemment par le cerveau selon les organes concernés, mais que dautre part la perturbation dune seule de ces voies de régulation suffit à augmenter significativement le risque dun individu à développer un diabète.»
Pour mieux évaluer leffet de la lumière sur la sensibilité des tissus à linsuline, les chercheurs ont mesuré labsorption du glucose induite par linsuline. Il savère quune petite perturbation de lapport en lumière (par exemple une heure de lumière au milieu de la période dobscurité ou une suppression de lumière pendant deux jours) suffit à entraîner un effet négatif. En effet, laugmentation ou la diminution de la lumière peut influencer profondément la sensibilité des tissus à linsuline et laltération, même minime, de ce mécanisme est suffisante pour perturber la stabilité métabolique de manière importante. Cela expliquerait pourquoi les personnes exposées à la lumière au mauvais moment les travailleurs aux 3x8 par exemple sont plus susceptibles de développer des maladies métaboliques, et notamment un diabète.
Prendre en compte le moment de la journée
A lheure actuelle, plus de 450 millions de personnes dans le monde sont diabétiques, dont beaucoup ont besoin dinjections quotidiennes dinsuline. Lorsque linsuline endogène nest pas produite en quantité suffisante, comme chez les personnes souffrant de diabète de type 1, Linsulinothérapie est pour eux le seul traitement disponible, mais il nest pas sans risque le principal étant une hypoglycémie potentiellement grave pouvant mener au coma et même à la mort. «En pratique, la quantité dinsuline administrée aux patients et calculée en fonction de lapport en glucides, souligne Roberto Coppari. Si, comme nos résultats lindiquent, la sensibilité à linsuline varie en fonction de lheure de la journée et du rythme circadien de chacun, ces paramètres devraient être pris en compte pour que chaque patient puisse mieux gérer son traitement et en limiter les risques. Au-delà de linsuline, linfluence du moment de la journée sur lefficacité des traitements médicamenteux mériterait dêtre étudiée beaucoup plus largement.»
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Journal
Cell Reports